Crédit de l’image : Jesse Aidyn, Critter LiAm (2021) et Andréanne Parent (éditrice)
Le 19 novembre en après-midi, TOPO participera à la 9e édition du Colloque Arts & Médias de l’Université de Montréal qui se déroulera du 17 au 19 novembre 2021. C’est une initiative des étudiant∙e∙s en histoire de l’art, du cinéma et des jeux vidéo de l’UdeM. L’événement se tiendra entièrement en ligne.
La mouture de l’année 2021 propose une réflexion sous trois axes ouverts, mais non limités, du thème Autour des frontières : entre passages, limites et échanges. Ce sujet de tout temps exploré par de nombreuses disciplines et sous différents angles témoigne de l’ouverture du colloque à la multidisciplinarité.
Notre panel, animé par Eva Quintas, cofondatrice de TOPO, présente la programmation FRONTIÈRE à travers ses trois cycles d’expositions auxquels ont été associées trois autrices : Nuria Carton de Grammont, Paule Mackrous et Mirna Boyadjian. Les 10 artistes qui y participent, issu.e.s de la pluralité des Amériques, abordent des thèmes tels la reconquête des racines et des héritages ; les technologies et leur capacité de brouiller les frontières entre le documentaire et la fiction, le vivant et le non-vivant ; les relations entre la géographie et le sociopolitique, qui interrogent de diverses façons les rapports de pouvoir dans l’espace. En conclusion, Michel Lefebvre, directeur général de TOPO, abordera les défis d’une programmation ayant dû basculer en ligne pour son dernier cycle, traversant ainsi une ultime frontière.
Pour avoir accès à toutes les informations relatives au colloque, y compris l’horaire, visitez notre site web : https://www.colloqueartsmedias.ca/.
Pour assister aux différents panels sur Zoom, vous pouvez vous inscrire en écrivant à l’adresse suivante : artsmedias.udem@gmail.com ou en consultant notre page Facebook : https://fr-fr.facebook.com/colloqueharudem/.
LA PROGRAMMATION FRONTIÈRE ET LES DIFFÉRENTES PRÉSENTATIONS
C’est sous le thème de la frontière que TOPO, centre d’artistes montréalais en art numérique, a envisagé sa programmation d’expositions 2019-2021. Ancrée dans l’histoire de l’humanité et toujours criante d’actualité, la thématique regroupe plusieurs questionnements portés par le centre, tant politiques et sociaux que technologiques et physiques. La notion de frontière est riche de connotations historiques, géographiques, psychologiques et artistiques. Dans sa dimension contemporaine, la frontière est envisagée davantage comme point de négociation et de contact et non plus seulement comme barrière. À l’instar de Régis Debray, nous avons souhaité « penser la frontière non comme un mur (à abattre pour s’étendre, à dresser pour se défendre), mais comme une peau, capable de respirer, donc d’organiser des échanges avec le milieu ».
1) Cultures, langages et spiritualités : au-delà des frontières
NURIA CARTON DE GRAMMONT
Le célèbre anthropologue de récits chamaniques Carlos Castaneda déclarait que « ce qu’il nous faut faire pour permettre à la magie de s’emparer de nous, c’est chasser les doutes de notre esprit. Une fois que les doutes ont disparu, tout est possible ». Dans un monde confiné par la capitalisation des ressources (économiques, sociales, écologiques), l’art contemporain propose de traverser les confins de la spiritualité, entendue d’abord comme l’accroissement de la conscience au-delà de la matérialité de l’objet artistique. Mais en débordant de l’expérience esthétique du sublime, il s’agit également de repenser la spiritualité comme une ressource de transformation sociale : un « activisme spirituel » qui propose un bouleversement collectif à partir d’une vision holistique et relationnelle du monde, pour reprendre la pensée de la féministe queer chicana Gloria E. Anzaldúa. Dans le cadre de sa présentation, Nuria Carton de Grammont propose de porter un regard croisé entre les savoir-faire traditionnels et les nouveaux médias pour discuter les œuvres des artistes Martín Rodriguez, Rodrigo Velasco, Diego Briceño et ULO. Ces différentes pratiques mettent en évidence l’existence de systèmes de valeurs alternatifs, notamment portés par divers Peuples autochtones et réalités ethnoculturelles qui remettent en cause l’ordre mondial actuel.
2) Remix et réseaux : des frontières défiées
PAULE MACKROUS
Lignes imaginaires ou géographiques, discontinuités qui séparent ou qui unissent une souveraineté, les frontières ont le pouvoir de contenir, de délimiter un espace physique dont elle borne le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce un pouvoir et s’affirme une identité. Qu’en est-il des univers immatériels, virtuels, réseautiques ? Ces univers sont-ils, par leur caractère immatériel, sans frontières ? Et, par-là, sont-ils un gage de liberté d’agir pour tous et toutes ? Comment s’y déploient les dynamiques de pouvoir ? Quels en sont les conséquences dans le monde sublunaire et inversement, comment le monde en dessine les frontières ?
Ces questions rassemblent les œuvres du deuxième cycle de la programmation FRONTIÈRE de TOPO, réunies sous la thématique Remix et réseaux : des frontières défiées. Que ce soit par l’épuisement de la nature et de nos paysages (Oli Sorenson, Paysages de l’Anthropocène), par la déconnexion du corps propre face à l’imagerie médicale (Stéphanie Morissette, Méandres) ou par la falsification de l’archive numérique (SVEN, Plongeons) : les technologies ont des impacts irréversibles sur notre rapport au monde, au corps, et à l’histoire. Face à cette irréversibilité, les artistes proposent une invitation à renouveler le regard pour mieux révéler, s’approprier ou imaginer les mécanismes et les codes que recèlent ces technologies et pour en détourner les effets fragilisants.
3) Géopolitique
MIRNA BOYADJIAN
Au moment d’écrire cette proposition sur la programmation de TOPO, tous les pays du monde, incluant le Canada, ferment leurs frontières afin de limiter la circulation et conséquemment, la propagation de Covid-19. La montée des mesures biosécuritaires pour maîtriser la situation aura sans doute des effets durables sur notre manière de concevoir les frontières, leurs fonctions et les rapports de force économique, politique, militaire ou sociale qui s’y jouent autant à l’échelle locale que globale. Depuis plusieurs années, les artistes contemporains témoignent des mutations frontalières ou encore révèlent des frontières invisibles en ayant recours à différentes modalités (immersion, automation, narration, etc.) pour exposer les enjeux identitaires, territoriaux ou culturels qu’ils soulèvent. Les artistes du 3e cycle d’expositions, Paolo Almario, Leila Zelli et Michel Huneault, portés par la thématique Géopolitique, conjuguent une réflexion esthétique et politique. J’examine ici la manière dont les artistes traitent de la frontière pour nous faire ressentir le présent et le devenir politico-affectif des corps qui y transitent et le pouvoir déshumanisant des espaces frontaliers par la machine autoritaire qui souvent s’y exerce. À travers différents processus médiatiques, les artistes éclairent et remettent en cause nombre de lieux communs.
BIOGRAPHIES
Michel Lefebvre est écrivain et producteur en art numérique. Pionnier de la fiction interactive au Québec, il poursuit l’exploration de nouvelles formes narratives à titre de cofondateur et directeur du centre d’artistes TOPO – centre de création numérique. Depuis les années 1980, en tant que poète, il a diffusé ses textes lors de lectures publiques, dans le cadre d’événements multidisciplinaires, à la radio, sous forme de projets web et dans une dizaine de revues au Québec, au Canada et en Belgique. Il a coréalisé une fiction photographique et littéraire développée pour les espaces du web, de la radio, de l’installation et du cédérom. Au sein de TOPO, il accompagne et produit nombre de réalisations artistiques et vient de diriger le forum Mutations (TOPO, 2021), un programme de 24 webinaire sur le livre à l’ère numérique.
Eva Quintas est artiste, responsable du comité artistique de TOPO et directrice générale du centre collégial de recherche ARTENSO. À travers une exploration de différentes formes narratives, sa pratique artistique interroge la construction des identités, des mythologies et des territoires culturels. Ses projets récents ont été présentés sur le web (Femmes d’Argentine, 2021) et sur Instagram (#CourantsCorrents, échange Québec-Catalogne, 2020-2021). À titre de professionnelle, elle est spécialisée dans les champs des politiques culturelles, de la médiation culturelle et de la culture numérique. Au sein d’ARTENSO, elle a mis sur pied un programme de recherche sur les résidences d’artistes dans les milieux de vie ainsi qu’un incubateur de médiations culturelles numériques. Elle est membre de l’Observatoire des médiations culturelles (OMEC) et de la Commission numérique de Culture Montréal.
Nuria Carton de Grammont est historienne de l’art, commissaire et chargé de cours à l’Université Concordia, spécialisée en art contemporain latinoaméricain et latinocanadien. Elle détient un doctorat en histoire de l’art de l’Université Concordia et deux postdoctorats du Centre d’études et de recherches internationales et du Département de géographie de l’Université de Montréal, où elle a également coordonné le Réseau d’études sur l’Amérique latine. Elle a publié plusieurs articles sur l’art latinoaméricain dans les revues spécialisées et coédité l’ouvrage Politics, Culture and Economy in Popular Practices in the Americas (Peter Lang, 2016). En tant que commissaire, elle a notamment coréalisé l’installation Objets personnels/Personal belongings/Objetos personales pour le Musée des Beaux-Arts de Montréal dans le cadre de l’exposition Connexions. Notre diversité artistique dialogue avec nos collections (2018-2019). Elle est directrice et conservatrice à SBC Galerie d’Art Contemporain à Montréal.
Paule Mackrous est autrice, arboricultrice et sémioticienne spécialisée en arts hypermédiatiques. Forte d’un parcours en histoire de l’art (baccalauréat et maîtrise) et en sémiologie (doctorat), elle a écrit pour plusieurs revues culturelles et artistiques ainsi que pour différentes galeries et autres centres d’art actuel au Québec. Au cours des dernières années, elle s’est intéressée à l’effet de présence comme modèle d’interprétation pour les formes artistiques et historiques émergentes sur le Web et à l’appropriation des modalités d’Internet pour faire de l’histoire de l’art. Ses recherches récentes, alimentées par des études de deuxième cycle en foresterie à l’Université Laval, portent sur les représentations de la nature, l’engagement artistique face aux enjeux climatiques ainsi que les discours postcoloniaux dans l’art actuel.
Mirna Abiad Boyadjian complète un doctorat en Esthétique à l’Université Paris 8 Vincennes–Saint-Denis et elle est chargée de cours dans diverses universités. Ses recherches portent sur l’espoir radical en temps de guerre à la lumière des modalités spéculatives dans l’art contemporain au Liban. Elle a écrit dans des publications d’art dont esse arts + opinions, Spirale, espace art actuel, Magazine du Jeu de Paume et organisé des évènements à Paris et Tiohtià:ke–Mooniyang–Montréal, dont l’atelier L’imagination du futur en temps de guerre à La Colonie en 2017 et le projet d’école expérimentale Fabuler l’école avec le centre Dare-Dare à Montréal en 2019. Récemment, son projet éditorial Lettres d’un présent précaire réalisé en collaboration avec la Galerie UQO a été publié en ligne.