La popularité d’outils de cartographie et de visualisation terrestre se fait grandement sentir dans l’expérience du web. L’emploi de systèmes de géolocalisation se généralise et infiltre l’univers numérique. À l’aide de ces technologies, des artistes explorent la volonté de « situer ». Les œuvres qui en résultent questionnent cette nouvelle conscience géographique issue des pratiques en réseau.
Réunis par la commissaire Sylvie Parent, les artistes Matthew Biederman (Montréal), Grégory Chatonsky (Montréal), Zahra Poonawala (Strasbourg, France) et Cheryl Sourkes (Toronto) ont bénéficié, en 2009-2010 de résidences et de soutien à la production de l’Agence TOPO pour la réalisation de leurs projets. Avec Spectrum Survey, Biederman prend la mesure des ondes électromagnétiques qui nous entourent. Dans Circulation, Chatonsky fait du trafic urbain le moteur d’un dialogue entre un homme et une femme. Poonawala nous fait découvrir le monde par la voix des haut-parleurs, dans Public Address System, et Sourkes propose GeoTag, une version web du jeu Géographie.
Lire l’essai de Sylvie Parent – Géoweb : création de nouvelles géographies – qui élabore sur le thème et décrit les quatre projets sélectionnés.
Production : Agence TOPO, 2010
Directeur de projet : Michel Lefebvre
Réalisateurs multimédia : Vincent Archambault,Guy Asselin
Stagiaires multimédia : Keshia Nau-Dominique, Alex St-Gelais
Diffusion :
- Articule, septembre 2007, Articule, Montréal
- Festival Val d’Argent, Février 2008, France
- E-Fagia, février 2009, Toronto
- File, March 2009, Sao Paulo
Texte de la commissaire, Élène Tremblay
Le Web se prête facilement au travestissement des identités et favorise de nombreux questionnements quant à la vraisemblance des informations apportées par les personnes qui s’y mettent en scène : il est devenu un outil relationnel où des individus tentent d’entrer en relation plus intime. Pour la réalisation de ce nouveau projet web, nous avons voulu ici réunir des artistes utilisant déjà l’autoreprésentation dans leurs pratiques et les inviter à créer des œuvres interactives où se déploieraient leurs identités fictives vraisemblables.
Marie-Josée Hardy, Marcio Lana Lopez, Maryse Larivière, et James Prior sont les artistes de Mes contacts, où ils incarnent des personnes appelées par la propriétaire d’un téléphone cellulaire perdu. Leur nom, numéro de téléphone et autres informations personnelles apparaissent dans le menu de ce téléphone qui sert d’interface pour entrer en contact avec eux, ou du moins avec la part visible et accessible de leurs personnages.
L’image du corps de l’artiste agit dans ces œuvres web comme preuve; me voilà. Elle s’offre comme
le lieu de rencontre de l’autre et de médiation à celle-ci. Le corps constitue le premier lieu commun, partagé et reconnu; lieu du semblable et de la différence, lieu d’exclusion et d’inclusion, lieu de multiples conflits et délibérations. L’artiste offre l’image de son corps, montre l’agencement particulier des traits de son visage, etc. Ceux-ci contiennent, paradoxalement, à la fois des qualités d’opacité et d’expressivité (masquer/montrer). Ce sont les mêmes éléments que ceux offerts par un comédien, seule l’information qu’il s’agit là de l’auteur et non d’un interprète transforme la réception de ce corps, de cette voix. L’autoreprésentation agit comme un leurre d’authenticité. Elle permet à l’artiste de jouer avec l’idée du dévoilement; se révéler ou se cacher, dire ou simuler.
L’exhibition de soi, qu’on le travestisse ou non, demeure un acte de fiction mutuel où public et artiste jouent le jeu de l’authenticité dans l’arène faussée de la sphère publique. Car là où il y a public, il y a théâtre. Pour l’artiste, qu’il s’agisse d’un jeu généreux ou narcissique, peu importe, puisqu’il fait de son corps et de son identité le lieu, le terrain, le leurre pour que se réalise ce jeu. Terrain idéal, leurre par excellence, pour une rencontre simulée.
Marcio Lana Lopez utilise deux sources visuelles – des vidéos de son visage enregistrées par une caméra web et les photographies de voyage de ses grands parents au Moyen-orient en 1957– pour produire un récit, ou plutôt un questionnement, sur notre perception d’autrui. La webcam paraît agir comme un miroir où Narcisse contemple jusqu’au moindre poil de sa barbe. Mais cette barbe est ici un véritable masque identitaire. Plusieurs questions surgissent à l’expérience de cette œuvre : Quels rôles jouent l’apparence, la ressemblance, le regard, dans la construction de nos rapports culturels? Est-ce que la mince frontière entre le vraisemblable et le réel a été définitivement aboli? Et, en acceptant cette contingence, comment appliquer l’ambiguïté de notre imaginaire à la création de nouvelles formes ou possibilités narratives? Comment traduire la complexité des discours à un médium basé sur l’éventuel, l’accumulation, l’échange, la multiplicité, l’instant? La caméra web se promenant à la surface du visage de l’artiste et de ces archives familiales sans légendes descriptives nous font ressentir l’opacité et la minceur du web 2.0. Comment étirer et ou approfondir cette surface ?
Pour Maryse Larivière, quand il s’agira de se révéler, cela ne se fera pas par le biais de l’ouverture du manteau de l’exhibitionniste mais plutôt par l’ouverture du contenu de son ordinateur personnel à d’éventuels pirates. Choisissant délibérément la position d’une victime de piratage, l’artiste dévoile des aspects personnels de sa vie (fêtes familiales, dossier d’artiste, projets en cours) au public, qui, de curieux devient, non sans malaise, voyeur et pirate. Mais que nous révèlent vraiment ces fragments épars? Connaît-on mieux Maryse Larivière après avoir consulté ces documents visuels de façon pseudo illégale? C’est toute l’opacité de l’image de soi qui est ici convoquée dans cette apparente transparence.
Le pouvoir d’archivage du web est également mis en valeur, dans l’accès offert au contenu de ce disque dur contenant des centaines de fichiers-images. L’œuvre soulève ainsi de façon très habile la question du droit à la vie privée.
Pour James Prior, artiste et nouvellement papa, combiner les différentes activités liées à ses identités multiples de père et d’artiste (et autres), donne lieu à un marathon où le jeune enfant est littéralement porté par le père sur son dos dans des activités de mise en forme qui apparaissent d’autant plus difficiles et irréconciliables. La présence de l’enfant, dans le contexte des activités du père, nous fait prendre conscience des difficultés de concilier travail et famille (pour reprendre une terminologie à la mode). De la difficulté de concilier ses identités multiples, surgit le sentiment déchirant de ne pouvoir être au bon endroit au bon moment, de ne pouvoir suivre son cœur, de ne pouvoir bien accomplir chacune de ces activités. Le père multi-tâches apparaît divisé et déchiré. Le désir de perdre du poids agit comme une métaphore exprimant la difficulté et l’effort.
S’enveloppant du caractère kitsch du rose, le personnage de jeune femme de Marie-Josée Hardy semble opter naïvement pour l’utopie d’un bonheur possible. Collectionnant les recettes de bonheur des autres, elle tente de les incarner, de se les approprier, voire même les tester.
Est-ce que les bonheurs des autres peuvent être les miens? Y a-t-il une recette qui puisse fonctionner?
Ultimement, ses efforts restent en apparence vains car ils demeurent de l’ordre du simulacre et de la fantaisie. Devant le spectacle de tant d’efforts et de vaines poursuites, le visiteur pourra constater la quantité, l’inventivité ou encore la banalité des moyens sans toutefois pouvoir en ressentir les effets. Au fil de l’exploration de ces bonheurs multiples, se dressera une sorte de panorama ou de portrait global montrant la trivialité de tout ce qui peut provoquer le bonheur. Apparaît alors une pointe d’ironie dans la démarche de l’artiste qui a volontairement transformé l’idée du bonheur en mascarade au cœur de laquelle il ne peut y avoir de véritable rencontre avec le bonheur, mais seulement son évocation.
Devant ces œuvres utilisant l’autoreprésentation, le jugement et l’appréciation du public cherchent à écarter les aspérités, à interpréter les signes comme cohérents, univoques. Le corps de l’artiste voit son identité imprégnée de celle du personnage fictif. On confond l’auteur et sa créature puisqu’ils partagent le même corps. Et l’auteur contribue à cette confusion en utilisant des aspects personnels dans la fabrication de l’oeuvre. Et si James Prior était vraiment un solitaire attardé (Pierre and Pom Pom: Two Hearts Beat as One, Centre VU, Québec 2004) et un amateur de pêche (Fishing with John James, Skol, Montréal, 2005) et si Marie-Josée Hardy cherchait vraiment la recette du bonheur et si, ce qui de la vie familiale, amoureuse de Maryse Larivière nous est montré (La main qui tient le regard, Galerie Clark, 2006) nous dressait un portrait juste de l’artiste, et si Marcio Lana Lopez, artiste d’origine brésilienne possédait en fait des racines familiales au Moyen-Orient ?
La question se pose : est-ce qu’une intimité en représentation est plus intimité ou plus représentation? Dans la société du spectacle de Guy Debord, ne subsisterait que la représentation et l’impact de cette intimité serait caduque. Ce serait vrai si l’on occultait l’immense désir de croire, de partager, de trouver des points communs, de reconnaître. Un désir qui fait en sorte que l’on s’ouvre momentanément à l’ailleurs de l’autre en soi, faisant fi de la fausseté des contextes. Un désir de rire de soi dans l’autre, dans l’artiste qui s’exhibe. Dans cette rencontre, par la médiation de l’image, les deux corps, de l’artiste et du visiteur, ne sont pas co-présents. Il s’agit plutôt d’un contact rêvé de part et d’autre et qui prend forme grâce à l’exhibition volontaire de l’artiste et au sens de l’humour et du jeu du public. Il persiste malgré tout dans ces œuvres une invitation au partage d’une intimité, même si celle-ci, ne laisse pas tomber tous les masques, au contraire.
Dans la société de l’infosphère et de la culture numérique, où la représentation se retrouve démultipliée de façon exponentielle, le désir de rencontre et d’intimité se retrouve exacerbé, entraîné dans une quête sans fin. Cette société de l’infosphère apparaît comme le lieu de mascarade idéal, miroir aux alouettes où les informations flottent sans ancrage, offrant un espace à la fois riche et flou, pour que s’opèrent de multiples mouvements entre les intentions de l’artiste et le discernement du public.
Élène Tremblay
Août 2007
Inauguré dans le cadre du festival montréalais de spoken word, Voix d’Amériques (février 2006), le site web s’est prolongé sous forme d’installation à la Galerie Espace (Montréal) et au Harbourfront Center (Toronto).
Il a également été présenté au festival E-Poetry 2007 à Paris (voir un enregistrement en QuickTime vidéo).
Le corpus poétique de Childe Roland
Astres / Stars / Goleuadau se développe à partir d’une réflexion sur les trous noirs de l’astronomie et la mort des supernovas. Il s’agit de plusieurs dizaines de poèmes sonores dont chaque vers commence par une syllabe aspiratoire qui, à la longue, assèche et gerce la gorge. Les poèmes sonores existent seulement quand ils sont lus à voix haute, «comme une kyrielle de jurons lancés aux impitoyables étoiles» (Childe Roland). Écrits en trois langues, français, anglais et gallois, les textes sont organisés en recoupements thématiques et abordent plusieurs problématiques contemporaines : environnement, épidémies, informatisation, mondialisation, etc.
Ce travail s’inscrit dans une démarche exploratoire menée depuis plusieurs années par cet artiste canadien établi au Pays de Galles, qui œuvre en poésie sonore et concrète, et qui s’attarde aux caractéristiques physiques du texte à travers également des livres d’artistes et des objets sculpturaux. Childe Roland est le nom d’artiste de Peter Noël Meilleur.
Harbourfront Center (Toronto)
Casa del Popolo (Montréal) Galerie Espace (Montréal)
Le corpus photographique de Susan Coolen
Le travail photographique de l’artiste originaire de Nouvelle-Écosse s’articule également autour de la thématique du cosmos. Son corpus principal Astral Projections, de même que ses autres travaux (Celestial Travelers, Primordia, Galileo’s Observation), mettent en scène de façon ludique et poétique des objets de l’imagerie spatiale, dans l’esprit des explorateurs de l’espace et en relation aux récits fictionnels des voyages à la Lune. Ses objets trouvés et spécimens inédits ouvrent les portes de l’imaginaire sur les entités possibles et multiples habitant le vaste univers.
La réalisation multimédia de l’Agence TOPO
L’Agence TOPO poursuit sa recherche sur la convergence de la littérature et de l’image avec les nouveaux médias en abordant ici le texte comme matériau même d’expérimentation. Les poèmes et les images ont suscité la création de tableaux multimédias qui s’enchaînent de façon aléatoire au gré de la visite des internautes. Afin de faire valoir le volet sonore des textes, Agence TOPO a invité l’auteur Childe Roland et les poètes Kim Doré, Tony Tremblay et Victoria Stanton à interpréter lespoèmes, lesquels sont repris dans le site comme extraits audio et vidéo.
Eva Quintas, directrice artistique de l’Agence TOPO, est la commissaire du projet. La réalisation du site est signée par Guy Asselin assisté de Vincent Archambault. La conception sonore est de Mike Di Sclafani.
Agence TOPO remercie le Festival Voix d’Amériques ainsi que le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des arts de Montréal, Emploi-Québec et la Société des arts technologiques. Childe Roland remercie Wales Art International.
Who is …? est un corpus présentant sous forme de textes, de photographies et de vidéos, des portraits d’artistes, réalisés par Magnus Bärtås, artiste suédois des arts visuels et médiatiques. Prenant pour point de départ la méthode narrative de l’artiste, l’Agence TOPO y ajoute un élément de création en ouvrant une section où les internautes peuvent à leur tour construire un portrait. Dans sa forme interactive, le projet joue avec les questions d’identité à l’internet. Entre la « googlisation » des personnes, la multiplication des banques de données et l’auto-représentation des internautes qui se dessinent un profil réel ou idéalisé dans les sites de communautique, les questions d’identité demeurent fondamentales tout en étant sources de fiction, de mise en scène. Traduit en plusieurs langues (français, anglais, espagnol, suédois, russe et letton), le travail original de Bärtås permet à TOPO d’aborder la mondialisation des communautés de plus en plus curieuses de communiquer et d’élucider l’éternel mystère de Qui est Qui ? … Who is … Who ?
Magnus Bärtås — démarche, bio, archives
Peio Aguirre — un texte critique
Re-enacted biographies — notes sur le travail d’adaptation
Who is…?
est un corpus présentant sous forme de textes, de photographies et de vidéos des portraits d’artistes, réalisés par Magnus Bärtås, artiste suédois des arts visuels et médiatiques. Ces « biographies » s’articulent autour d’une série d’énoncés, de courtes phrases reconstituées à travers le souvenir de conversations entre l’auteur et les artistes rencontrés au hasard de voyages à travers le monde. Initié en 1998, le projet a été présenté sous forme d’installation dans divers espaces publics européens et comporte depuis 2001 un volet vidéo où les artistes jouent la scène de leurs énoncés.
L’Agence TOPO propose une adaptation multimédia du travail de Bärtås. Prenant pour point de départ la méthode narrative de l’artiste, Agence TOPO y ajoute un élément de création en ouvrant une section où les internautes peuvent à leur tour construire un portrait. (Notes à propos du travail d’adaptation pour l’internet)
Dans sa forme interactive, le projet joue avec les questions d’identité à l’internet. Entre la « googlisation » des personnes, la multiplication des banques de données et l’auto-représentation des internautes qui se dessinent un profil réel ou idéalisé dans les sites de communautique, les questions d’identité demeurent fondamentales tout en étant sources de fiction, de mise en scène.
Traduit en plusieurs langues (français, anglais, espagnol, suédois, russe et letton), le travail original de Bärtås permet à TOPO d’aborder la mondialisation des communautés de plus en plus curieuses de communiquer et d’élucider l’éternel mystère de Qui est Qui ? … Who is … Who?
Eva Quintas, Michel Lefebvre
Agence TOPO, juin 2005
agence@agencetopo.qc.ca
_________________________
Who is…? sur le web est une réalisation de l’Agence TOPO.
Direction : Michel Lefebvre, Eva Quintas
Design et réalisation : Vincent Archambault, Guy Asselin
Narration web : Catherine Plouffe
Prise de son : Thierry Gauthier
Vidéos, photographies, textes : Magnus Bärtås
Le séjour de Magnus Bärtås à Montréal est soutenu par l’université Gothenburg et l’Ambassade de Suède au Canada. L’Agence TOPO remercie pour leur soutien le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des arts de Montréal et l’Institut des technologies de l’information du Cégep Maisonneuve.
Inspiré par les modes de circulation de l’objet musical, ses repères iconographiques et ses fabrications sérielles (compacts, vinyles, flyers), Post-Audio NetLab est un espace d’interaction, d’échange et de socialisation qui met en scène les codes de la culture musicale d’aujourd’hui.Le point de départ est une collection inventée de plus de 400 pochettes de disques, chacune étant associée à un style musical, à des textes et à des vignettes vidéo permettant d’entrer dans l’univers fictif de la culture Post-Audio. Divers modules interactifs – salles d’écoute, de mixage et d’échange – sont mis à la disposition des usagers qui peuvent manipuler et s’approprier les disques virtuels, créer leurs propres compositions musicales, ou encore échanger textes, musique, commentaires et informations dans un espace forum. L’invitation est lancée à la communauté locale et internationale pour investir le site web et y propager la culture médiatique de l’heure !
Prolongez l’expérience de Post-Audio_NetLab en vous procurant Post-Audio_DVD!
Civilités est une fiction modulaire et collective regroupant dix artistes montréalais de disciplines et d’horizons variés qui proposent différents regards sur le «vivre ensemble ». Les artistes invités questionnent les possibles espaces de confiance, de réconciliation et de cohabitation des personnes, des peuples et des religions. Des règles du fondamentalisme religieux aux mouvements de foules anonymes dans la ville, les projets abordent, sous divers aspects, l’organisation sociale, les normes culturelles et les espaces collectifs de pratiques communes. À partir d’interfaces représentant l’espace public, celui de la communauté et du civitas, de petites histoires se développent comme des fenêtres sur des situations plus universelles, sur un certain état du monde, pour le moins trouble et violent.